Bonjour à toutes et à tous !
[Edite du 11 décembre 2019] The Getaway fête aujourd'hui ses 18 ans ! Pour l'occasion, je reposte mon article dédié au jeu et au documentaire que j'ai réalisé sur l'histoire de son développement. J'espère que la communauté de Gameblog ne m'en voudra pas pour ça ! Pour ne pas partir comme un voleur, j'en profite pour vous annoncer que les sous-titres en anglais sont désormais disponibles ! La traduction a été réalisée par mon ami Shaf, que je remercie du fond du coeur pour son travail. Pour vous qui parlez la langue de Molière, ça n'a pas beaucoup d'importance, mais ça devrait permettre aux fans anglophones de profiter de cette vidéo. Sur ce, des bisous et à bientôt !
En 2002, alors que GTA III et GTA Vice City font un malheur auprès de la critique comme du public, Sony sort The Getaway, sa réponse au phénomène de Rockstar. Bien plus qu'une simple copie, ce jeu développé en 3 ans par une petite équipe londonienne jusqu'ici habituée aux titres anecdotiques, repousse les limitations techniques de la machine et la façon de concevoir des jeux vidéo. Avec ses graphismes photo-réalistes et son scénario très noir, The Getaway se voulait être un concurrent de taille face au mastodonte de Rockstar. Mais la Team Soho n'a-t-elle pas visé trop haut ?
Découvrez comment l'ambition est née, et les secrets de réalisation derrière The Getaway !
Ce documentaire a demandé presque un an de travail, entre la recherche, les interviews, la réalisation des séquences animées et le montage. Je suis très heureux et honoré de pouvoir aujourd'hui vous montrer le fruit de ce dur labeur. J'espère du fond du cœur qu'il vous plaira, que vous soyez fan de The Getaway ou non.
J'ai eu la chance de pouvoir m'entourer de deux professionnels de l'animation que je tiens à remercier ici tout particulièrement. Tout d'abord Denis Ternisien qui a accepté de dessiner les décors et le personnage de cette vidéo. Vous avez déjà pu voir son travail d'animateur dans des films comme Tous à L'ouest : Une aventure de Lucky Luke. Et aujourd'hui, il a travaillé pour moi. La vie est folle parfois, non ?
Julien Bardet (alias Tihmoty), mon grand frère, qui, outre la vignette, les montages infographiques et les génériques, s'est également occupé seul de l'animation. Un tâche colossale dont il s'est acquitté avec beaucoup de professionnalisme et de talent. Vous pourrez bientôt admirer son travail à la télévision, plus précisément sur Canal+ Family dès l'année prochaine, dans la série d’animation Moi Elvis pour laquelle il réalise actuellement les rigs des personnages. Et si vous ne savez pas ce qu'est un rig en animation, je vous invite à faire un tour sur sa chaîne Dailymotion pour vous faire une idée...
Un grand merci à eux deux !!! C'était un pari un peu fou de remplacer l'habituel présentateur par un personnage de cartoon, mais nous y sommes parvenus ! Je compte sur vous, lecteurs et lectrices de Gameblog, pour saluer leur travail avec un tirage de chapeau en règle !
Un grand merci également à Chun Wah Kong et Mike Rouse, qui ont accepté de répondre à mes questions et m'ont fourni quelques images inédites que vous pouvez découvrir dans la vidéo et dans la suite de cet article. N'hésitez pas à cliquer sur leurs noms pour les suivre sur leurs différents réseaux sociaux !
Je remercie également Sophie Clift qui s'est généreusement chargée de corriger cet article !
Et maintenant, pour aller encore plus loin avec The Getaway, une salve d’anecdotes toutes plus surprenantes les unes que les autres, pour compléter vos connaissances après le visionnage de cette vidéo !
Pour aller plus loin...
L'équipe de The Getaway au pub, pour le numéro 22 du PlayStation 2 Magazine officiel britannique.
Quelques photos personnelles de ce même évenement, généreusement partagées par Mike Rouse. Sur la première, vous pourrez reconnaitre Phil Harrison, qui travaille désormais pour le service Stadia de Google.
- Il fut un temps envisagé d'incorporer le prototype du jeu PlayStation 1 dans The Getaway, en guise de bonus jouable, tant le projet était déjà bien avancé. Il n'en fut malheureusement rien.
- Au début du développement, le personnage de Frank Carter se nommait Roy.
Dessin préparatoire réalisé par Simon Wood. Le personnage de Frank Carter est alors nommé Roy Charles.
- Tous les personnages principaux masculins portent un costume Ted Baker, une célèbre marque de vêtements britannique. Yasmin est quant à elle habillée en Karen Millen. Cesdits costumes ont été scannés via la même technique que celle employée pour reproduire le visage des acteurs. Des camions affichant les logos de ces marques circulent également en ville.
Scans des différents costumes.
- La précision obtenue en scannant le visage des différents comédiens était pour l'époque particulièrement élevée. À tel point que les développeurs devaient retoucher un peu tout ça afin de ménager la modeste PS2. Pour les cinématiques (réalisées en temps réel) c'est un modèle d'une résolution de 4 000 polygones qui est utilisé et qui descend à 1 500 pour les phases de jeu.
- Ricky Hards, l’interprète du vieux caïd Charlie Jolson n'était pas aussi âgé que son personnage. Afin de vieillir l'acteur, une prothèse fut réalisée à partir d'un moule directement pris sur son visage. Une épreuve assez difficile pour Ricky Hards qui souffre de claustrophobie et a dû rester plusieurs heures totalement coupé du monde sous un masque de plâtre.
Affiche promotionnelle de The Getaway datant probablement de 2001. Le personnage de Charlie Jolson n'est pas encore aussi âgé que dans sa version définitive.
- L'acteur a également joué un petit rôle dans la série Lock, Stock... du réalisateur Guy Ritchie. Cette série en 7 épisodes s'inspire très largement du film Arnaques, crimes et botanique (Lock, Stock and Two Smoking Barrels en version originale) du même réalisateur, long métrage qui a énormément inspiré la Team Soho pour The Getaway.
- Pour conclure sur le film de Guy Ritchie, Elwin David, l’interprète de Jamahl dans The Getaway joue le rôle de Nathan, un homme de main de Rory le Casseur dans Arnaques, crimes et botanique.
Elwin David dans Arnaques, crimes et botanique.
- Anna Edwards, l'interprète de Yasmin dans The Getaway, joue un petit rôle de figuration dans le 20e opus des Aventures de James Bond, Meurs un autre jour. Mariée depuis au véliplanchiste (oui, ce mot existe) professionnel Guy Cribb, Anna Cribb apparaît de temps en temps dans des publicités outre-Manche. Elle tient également une chaîne YouTube de conseils pour les parents.
- Elle n'est pas la seule membre de l'équipe aujourd'hui active sur le site de partage de vidéo de Google puisqu'on peut également y trouver Mike Rouse, l'une des deux personnes en charge de la modélisation des véhicules, sur la chaîne Retro Gamer Boy. Si vous souhaitez apprendre tout un tas d'autres anecdotes sur le jeu et son développement, je vous conseille sa vidéo The Getaway Developer Secrets.
- Pour améliorer leur prestation, les comédiens ont reçu une formation sur l'utilisation des armes à feu directement délivrée par le Metropolitan Police Service. Certains agents ont également donné de la voix pour enregistrer quelques messages de police (audibles uniquement en VO, naturellement).
Anna Cribb en pleine entraînement.
- Katie Ellwood, la co-scénariste du jeu, interprète le personnage de Susie Hammond qui n'est autre que la femme de Mark Hammond assassinée au début de l'histoire.
- À l'instar de son concurrent GTA, The Getaway a été au cœur de quelques scandales. Le plus célèbre reste celui opposant le jeu à la société des télécoms British Telecom. Au cours d'une des missions, le joueur se déguise en employé de ladite compagnie pour s’infiltrer dans un commissariat et assassiner le chef de la brigade volante. Choquée de voir son image associée à un jeu aussi violent, l'entreprise a exigé et obtenu que The Getaway soit modifié afin que n'apparaisse plus son logo au cours de cette mission. La réclamation et la modification ayant eu lieu après la sortie de The Getaway, il existe donc aujourd'hui deux versions du jeu, l'une comprenant le logo et l'autre non.
- Moins retentissant, en février 2003 Sony est accusé par le ministre de la culture britannique de l'époque Kim Howells de promouvoir et de faire l'apologie de la violence par arme à feu. En cause, une publicité dans les pages d'un magazine spécialisée dans le hip-hop. Le public rap étant déjà, selon le ministre, suffisamment exposé à ce type de violence, Sony jetterait ici de l'huile sur le feu.
- Le point de départ du mode promenade se situe Great Marlborough Street dans le quartier de Soho, juste en face des bureaux de la Team Soho. Ce même bâtiment est toujours occupé aujourd'hui par London Studio.
- Pour vous rendre compte de l'exactitude de la reproduction de Londres proposée dans The Getaway, vous trouverez ici une carte réalisée par une fan du nom de Sophie Clift qui s'est basée sur le logiciel Google Maps pour redessiner la map du jeu. Elle comporte également de nombreuses annotations bien pratiques pour trouver les petits secrets de The Getaway.
Carte réalisée par Sophie Clift
- Au japon, The Getaway est édité par Capcom, société qui avait également récupéré les droits de distribution sur le territoire nippon d'un autre jeu du genre, GTA III. Selon Mike Rouse, au vu de la trop grande violence du titre, Sony aurait préféré ne pas y associer directement son nom. Le consolier a en effet une image de marque plus familiale au Japon, qu'il s’agissait de ne pas entacher. Pour le deuxième épisode, Capcom laissera sa place à Sega.
- Pour modéliser les véhicules de The Getaway, l'équipe a pris de nombreuses photographies de références, des photos réalisées chez des concessionnaires ou, plus étonnant, directement dans la rue, auprès de particuliers.
- La première vocation de Sam Coates était l'architecture. Il suivra d'ailleurs un cursus universitaire dans cette discipline avant de se tourner vers l'infographie au début des années 1990. On imagine sans mal que les compétences qu'il a acquises au cours de ses études ont été d'une grande utilité pour reproduire la capitale britannique.
- Vous trouverez ici l'intégralité de la conférence de Sam Coates à la Game Developers Conference de 2001. Le son est d'assez mauvais qualité, mais si vous aimez les détails techniques et que vous comprenez bien le britannique, ce document devrait vous plaire. Si vous êtes plus à l'aise avec l'anglais à l'écrit, vous pouvez trouver ce que je pense être le texte de Coates qui résume plutôt bien ce qui est dit au cours de cette conférence.
- Durant celle-ci, Coates apporte quelques précisions concernant le logiciel Maya. Si la Team Soho s'est tournée vers celui-ci, c'est aussi parce que plusieurs universités du sud de Londres formaient à l'époque des étudiants sur ce logiciel. Ce qui constituait dès lors des réservoirs de talents à proximité. Et devinez quoi ! Mike Rouse est issu de l'une de ces écoles !
- Coates n'est pas le seul à avoir pris la parole en mars 2001 pour parler de son travail sur The Getaway. Pour le GDC Magazine, Gavin Moore a également rédiger un article de 8 pages décrivant en détail le système Talking Heads utilisé dans le jeu pour animer les visages.
- Pour ménager la console de Sony, la physique des véhicules est extrêmement simplifiée, bien plus que dans un GTA ou un Driver. Par exemple, lorsque le joueur emprunte l'une des rampes disposées dans la ville pour effectuer une petite cascade, le saut n'est pas calculé en temps réel. Il s'agit d'une simple animation, qui ne demande que peu de calculs. On comprend mieux pourquoi la conduite est aussi rigide...
- Inévitablement, The Getaway a été fortement comparé à Driver et à GTA III. En mars 2001, le Official PlayStation 2 Magazine britannique, interroge McNamara sur ce point. Voici ce que le réalisateur a en dire : « J'ai un profond respect pour chacun de ces jeux, dont je suis un grand fan, cependant, nous avons des objectifs très élevés. Nous n'essayons pas de proposer une expérience cartoonesque de Londres, mais quelque chose d'audacieux et de réaliste, en conservant de bonnes qualités de gameplay. Je pense que la presse et les consommateurs seront de notre côté selon qu'on se contente de proposer un dérivé, ou bien si nous amenons le jeu vidéo vers la prochaine étape de son évolution. Je sais ce que nous visons. ». Des propos et une position que le journaliste qualifie « d'admirable fanfaronnade » (« admirable boasting »).
- Quelques cinémas de Londres apparaissent dans le décor de The Getaway et comme pour le reste, ils sont calqués sur la réalité. Fait assez amusant, on trouve à l'affiche différents films qui n'ont pourtant pas été projetés la même année. On peut y voir un probable témoin de l'époque à laquelle les photos de références ont été prises. Ainsi, on peut apercevoir les affiches de Le monde ne suffit pas (1999), Mission Impossible 2 (2000) ou encore La reine des damnés (2002).
- Si de nombreux logos de grandes marques apparaissent dans le jeu, d'autres sont purement fantaisistes et sont des références aux membres de la Team Soho. On trouve ainsi les cigarettes Coates ( pour Sam Coates le responsable de l'infographie), les transports Ramsbottoms (pour David Ramsbottom, l'un des modélisateurs) ou encore la marque de monte-charge D.M ROUSE, nommée ainsi d'après le plus jeune frère de Mike Rouse.
- Petite réflexion personnelle, qui m'est venue après l’enregistrement du commentaire de la vidéo, mais l'absence de The Getaway et de sa suite sur le PS Store peut peut-être s'expliquer par la présence dans le jeu de véritables voitures de grandes marques. Il est fort probablement que depuis le temps, les licences aient expiré et qu'il soit désormais impossible pour Sony de les exploiter commercialement.
- Si The Getaway: Black Monday est unanimement reconnu pour être plus mauvais encore que le première épisode, il a toutefois perfectionné des techniques de motion capture éprouvées dans The Getaway. En plus d'une plus grande quantité de capteurs, les acteurs étaient également équipés d'une caméra placée juste devant leur visage, permettant d'enregistrer plus précisément les expressions de leur visage. Les images servaient ensuite de référence aux animateurs. Si vous connaissez un peu le milieu des effets spéciaux, ce système devrait vous rappeler celui utilisé de nos jours pour la performance capture.
À gauche, des images des séances de motion capture pour The Getaway: Black Monday. À droite, le tournage du film Avatar de James Cameron.
- La modélisation des véhicules a également été grandement améliorée pour Black Monday. Les méthodes utilisées par la Team Soho pour reproduire les différents véhicules étaient à l'époque si abouties et efficaces que d'autres studios internes de Sony ont également souhaité l'utiliser. Pour son jeu officiel 24 heures Chrono, des membre de Cambridge Studio sont venus rendre visite à leurs collègues londoniens, afin que ces derniers leur montrent le procédé.
- Ce deuxième épisode rend également un petit hommage à un film bien de chez nous, Taxi de Gérard Pirès sorti en 1998. En mode promenade, on peut en effet trouver la voiture du film cachée dans un recoin de Londres.
Bon, en vérité c'est la voiture du deuxième épisode. Pourquoi je sais ça moi ?
Ce sera tout pour aujourd'hui ! Merci à vous pour votre lecture !
Pour continuer d'égayer votre week-end, vous pouvez retrouver ma vidéo d'analyse sur le premier épisode de Metal Gear Solid !
Un bon week-end à vous tous !